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“Je veux un prix Madagascar.”
“Je vous propose déjà trois fois le SMIC.”
“Je ne vends pas un pays, je vends mes compétences.”
Si vous travaillez en freelance à Madagascar ou si vous recrutez dans l’écosystème local, vous avez déjà tout entendu. Derrière ces punchlines, il y a des réalités très concrètes. Des budgets, des connexions qui lâchent au pire moment, des factures, des semaines de quarante heures qui en font soixante, et une dignité qui ne se paie pas avec un pourboire rebaptisé générosité.
Pourquoi Madagascar attire autant
Soyons clairs. Si l’on source à Antananarivo plutôt qu’à Angers, ce n’est pas pour la vue sur l’océan. C’est le différentiel de coût qui attire, la langue française qui simplifie les échanges, et un fuseau horaire compatible avec l’Europe. On y trouve des rédacteurs qui écrivent mieux que bien, des développeurs front-end capables de transformer un Figma approximatif en interface vendable, des assistants qui tiennent l’opérationnel quand tout le monde dort.
Un exemple vaut mieux qu’un slogan. En France, un développeur front-end peut coûter autour de 4 785 € par mois une fois toutes les charges ajoutées. À Madagascar, un profil solide, correctement équipé et managé, démarre souvent autour de 1 000 € tout compris. Même une direction financière romantique finit par préférer cette option. Le problème n’est pas de choisir Madagascar. Le problème, c’est ce que certains s’autorisent à cause de Madagascar.
La grande illusion du “3 fois le SMIC”
La scène est toujours la même. Un prospect, ravi de ses économies, explique qu’il respecte la valeur du travail et qu’il propose déjà trois fois le SMIC. On devrait sortir les confettis. Sauf que le SMIC malgache, référence 2023, tourne autour de 250 000 Ar, soit environ 56 €. Trois fois presque rien reste peu de chose. Et trois fois 56 € ne construit pas un projet sérieux, même avec toute la bonne volonté du monde.
Un freelance n’est pas un salarié à l’horloge. Il finance son matériel, ses logiciels, ses temps non facturés, ses démarches administratives, ses sauvegardes, ses pannes, et ses fins de mois quand un virement disparaît mystérieusement. Il finance surtout une chose que la plupart des devis oublient en petit caractère: la fiabilité. Et la fiabilité coûte plus cher que l’enthousiasme.
Le coût réel d’une vie et d’un travail bien fait
Pour couper court aux fantasmes, parlons chiffres. Un freelance célibataire, sans enfant, qui veut simplement travailler correctement et vivre sobrement, se heurte à un budget mensuel réaliste. Vous trouverez ci-dessous les ordres de grandeur actualisés.
| Charges | Montant en Ar | Montant en €* |
|---|---|---|
| Studio 20 m² décent | 500 000 | ~111 € |
| Alimentation | 620 000 | ~138 € |
| Internet | 259 000 | ~58 € |
| Frais professionnels | 250 000 | ~56 € |
| Eau et électricité | 50 000 | ~11 € |
| Impôts | 75 000 | ~17 € |
| Pallier, épargne et imprévus | 150 000 | ~33 € |
| Total mensuel | 1 904 000 | ~423 € |
* Conversion indicative, le taux varie selon la période.
Ce tableau représente la base. Vraiment la base. Un professionnel plus expérimenté vise presque toujours un cadre de vie et de travail plus élevé. C’est normal. Il investit davantage dans son matériel, ses licences, sa redondance internet, sa sécurité des données, parfois dans un espace de travail plus calme, et il s’accorde le droit humain de manger autre chose que des nouilles.
Ce sont généralement ces profils qui offrent le plus d’expérience, la meilleure fiabilité et les résultats les plus réguliers. Autrement dit, si vous espérez la sérénité et la performance, il faut assumer un budget au-dessus de ce socle minimal. toujours rogner sur la nourriture ou l’électricité. C’est audacieux. Ce n’est pas compatible avec un travail fiable.
Les superhéros de l’économie à tout prix
Ils existent. Ce sont ces chevaliers blancs autoproclamés, persuadés qu’en offrant 100 à 150 € par mois pour quarante heures hebdomadaires, ils donnent sa chance à un petit Malgache. Parfois, ils trouvent preneur. La pauvreté fabrique de l’acceptation contrainte. Ils s’en félicitent, jusqu’au premier incident sérieux. Livrables brouillons, retards en chaîne, départ au milieu d’un sprint, fuite de données parce que des accès ont été partagés sans politique de sécurité.
Le moins cher coûte toujours trop cher, avec un effet différé. La dette technique ne prévient pas. Elle frappe à la fin, accompagnée d’un devis de rattrapage que personne n’avait budgété.
Ce que paie un bon prix et que le prix Madagascar n’achète jamais
Un bon prix paie la clarté. Un cahier des charges qui ne ressemble pas à un horoscope. Des jalons compris des deux côtés. Des critères d’acceptation qui évitent les débats métaphysiques sur ce qu’est un bouton clair.
Un bon prix paie aussi la méthode. Des sauvegardes, des tests, de la documentation, des comptes séparés, une hygiène informatique minimale pour ne pas exposer les données clients à la première clé USB opportuniste.
Il paie enfin la continuité. La possibilité de retrouver la même personne la semaine prochaine puis le mois suivant, parce qu’elle n’a pas été forcée d’accepter trois missions absurdes pour compenser un tarif intenable. Ce n’est pas de la poésie. C’est le coût de la prévisibilité. Et la prévisibilité ne s’achète pas au rayon promotions.
Une scène mille fois vue
On veut un site vitrine, rapide, propre, optimisé pour le SEO, livré en trois semaines. Le budget est de 150 €. Oui, pour tout. Être cool sur les horaires ne compense pas une structure de coût qui nie la réalité. Si vous payez un peintre à l’air qu’il respire, n’espérez pas un plafond impeccable. Le marché malgache regorge de talents. Il n’existe pas de formule qui transforme une pièce de deux euros en montre suisse.
La responsabilité est partagée
Les freelances ont la leur. Cesser de vendre leur survie au rabais. Dire non, poser un plancher, exiger un acompte, contractualiser, annoncer la méthode, assumer le professionnalisme. Monter en gamme, se nicher, documenter, parler résultats plutôt qu’heures. Une mission pas chère et tranquille n’existe pas. C’est soit pas cher et épuisant, soit juste prix et fluide.
Les clients ont la leur. Briefer clairement. Mesurer le coût total. Accepter que la qualité se paie avant la catastrophe, pas après. Tester sur un périmètre court, puis étendre. Payer à l’échéance convenue. Le respect, c’est aussi un virement à l’heure.
La prochaine fois que quelqu’un vous dit “je paie déjà 3 fois le SMIC”
Ne perdez ni votre calme ni votre temps. Envoyez-lui simplement le lien de cet article. Vous pouvez utiliser ce message prêt à copier.
Merci pour votre intérêt. Pour que notre collaboration soit viable et productive, il faut partir sur des tarifs alignés avec la réalité du marché et le coût réel d’un travail fiable. Voici un article qui explique clairement pourquoi l’argument du trois fois le SMIC ne tient pas et ce que couvre un prix juste. [Lien de l’article à insérer ici]
Si vous souhaitez avancer sur des bases solides, je vous propose un échange court afin de cadrer besoins, livrables, jalons et budget réaliste.
Ce petit renvoi suffit souvent à transformer une négociation stérile en discussion adulte. Et si la personne ne lit pas, elle vient de vous donner une information précieuse sur la suite à donner.
On ne vend pas un pays
C’est devenu un slogan, mais il a un sens très concret. On ne vend pas Madagascar comme un bon de réduction. On vend un résultat, porté par des compétences et de la fiabilité. Les talents malgaches n’ont pas besoin de pitié tarifaire, ni de superhéros de pacotille. Ils ont besoin de partenaires qui savent compter autrement qu’au cliquetis du trois fois le SMIC.
Oui, Madagascar est une aubaine quand on fait les choses proprement. Coût, langue, fuseau, talents. Mal employée, l’aubaine devient une illusion. Et l’illusion se dissipe au moment de la livraison, toujours au pire moment.
La ligne de fond
Un marché sain commence par une idée simple. Un prix juste n’est pas un caprice. C’est la condition de possibilité d’un résultat fiable, reproductible et sécurisé. Si vous tenez à la magie, gardez-la pour le storytelling, pas pour le budget. Les freelances compétents connaissent leur valeur et ne négocient pas leur dignité. Les clients sérieux l’ont compris. Payer le bon prix est l’assurance la plus économique qu’ils puissent s’offrir.
Bref, on ne vend pas un pays. On vend des compétences, du résultat et de la confiance, au prix qui permet de les tenir. Et non, ce n’est pas trois fois le SMIC.




