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“Quand je serai grand, je deviendrai médecin”, “Moi, je deviendrai pilote”, “Moi, je serai hôtesse de l’air”. Qui n’a jamais entendu au moins une de ces phrases ? Ou même ne les a jamais prononcées ? Ces paroles résonnent dans l’air de Madagascar, portant en elles l’espoir et les rêves qui ont toujours animé l’âme des enfants.
Cependant, une fois diplômés, une fois adultes, la réalité emprunte des chemins inattendus. Les années passent, et nous réalisons que la vie n’est pas aussi douce qu’elle l’était lorsque nous étions à l’abri des responsabilités de l’âge adulte.
Nous nous rendons compte qu’il peut être nécessaire de choisir des emplois moins passionnants, des emplois dont l’existence même nous était inconnue il y a quelques années à peine. La tendance à Madagascar ? Les “call center”.
Oui, ces plateformes où se brassent des conversations et des demandes de toutes sortes, un univers en perpétuelle effervescence. Les opportunités d’emploi y foisonnent, attirant les jeunes de toutes origines comme un aimant.
Alors, est-ce un écart par rapport à nos rêves initiaux, ou bien un choix pragmatique de carrière, une porte ouverte vers un avenir plus prometteur ? Peut-on porter fièrement le titre de “collaborateur en centre d’appels” ? Ces questions méritent une réflexion approfondie.
Explorons cette transition entre rêves et réalité.
Les centres d’appels à Madagascar, petit tour d’horizon
Ces dernières années, Madagascar a été le théâtre d’une montée en puissance remarquable des centres d’appels, attirant de jeunes talents avides d’opportunités professionnelles diversifiées. Cette industrie en plein essor offre une panoplie de postes, couvrant des domaines tels que le service client, la vente, et le support technique, créant ainsi un véritable bouillonnement d’activités.
L’avènement de la fibre optique en 2014, grâce aux efforts soutenus de l’entreprise malgache Telma, a joué un rôle significatif dans l’essor de l’externalisation des services, en particulier dans le secteur des centres d’appels francophones. À l’heure actuelle, cette industrie emploie une proportion considérable de jeunes travailleurs dynamiques. À travers toute l’île, pas moins de 150 centres d’appels ont fleuri. En 2016, selon les dires d’Eric Robson, directeur général de l’Economic Development Board of Madagascar (EDBM), le secteur avait l’ambition audacieuse de créer jusqu’à 100 000 emplois d’ici 2020. En 2023, avec la domination indéniable de ce secteur, il est légitime de nourrir l’espoir que cet objectif ait été atteint. Toutefois, il est regrettable que l’absence de données officielles ou d’études accessibles constitue une lacune à combler (petit coucou à nos amis de l’INSTAT, si vous avez des informations à ce sujet, nous sommes preneurs).
Des entreprises de renom telles que le groupe français de télécommunications SFR et la multinationale Teleperformance ont déjà délocalisé une partie de leurs centres d’appels vers l’île. De plus, d’autres acteurs majeurs, notamment ProContact, Intelcia, SmartOne, ADM Values, et bien d’autres, ont également choisi d’établir leur empreinte sur la Grande Île.
Madagascar offre un contexte favorable à l’externalisation des services. Avec un fuseau horaire proche de celui de Paris, une fiscalité incitative, une main-d’œuvre à coût compétitif et une maîtrise de la langue française, l’île se pose en sérieux concurrent face aux principaux pays d’accueil de ces services en Afrique francophone, notamment le Maroc et Maurice. L’avenir de l’externalisation des services à Madagascar semble prometteur, porté par une énergie jeune et une infrastructure de plus en plus performante.
Un métier mal vu et sujet à des moqueries
Les employés des centres d’appels à Madagascar sont souvent victimes de préjugés tenaces. On les imagine évoluant dans des atmosphères de débauche, de tabagisme, d’alcoolisme, avec une vie nocturne trépidante.
Ces travailleurs sont également fréquemment perçus comme exploités par des “Vazaha”, des étrangers profitant du fait que de nombreux jeunes Malgaches se tournent vers cette carrière par nécessité.
Certains affirment même que les centres d’appels servent de refuge à ceux qui n’ont pas les diplômes requis pour des métiers jugés plus “respectables” (selon les normes/les jusgements de la société Malgache). Que c’est là que finissent les candidats rejetés ailleurs ou ceux qui manquent de qualifications.
En réalité, travailler dans un centre d’appels, bien que parfois considéré comme un dernier recours, demande des compétences, de la discipline et de la résilience. Ces professionnels doivent maîtriser l’art de la communication, résoudre rapidement des problèmes et gérer efficacement le stress. On serait même étonné du nombre de personnes ayant suivi des études très qualifiantes dans ce secteur.
Il serait injuste d’étiqueter ces braves jeunes qui ne cherchent qu’à bien faire et à s’en sortir. Il est essentiel de ne pas se laisser influencer par des préjugés infondés, car ces stéréotypes ne reflètent pas la réalité de la majorité des employés des centres d’appels.

Les raisons du succès des centres d’appels
Malgré les préjugés, les centres d’appels ont prospéré pour plusieurs raisons. La demande croissante de services de support client et de vente à distance a créé un besoin constant de personnel qualifié. Les entreprises cherchent des moyens d’offrir un service client de qualité tout en maintenant des coûts compétitifs, ce qui rend les centres d’appels à Madagascar attrayants en raison de leur efficacité et de leur rentabilité. Ce métier attire les jeunes pour son accessibilité, son ouverture aux débutants et la rémunération relativement bonne par rapport à d’autres grandes entreprises.
1 – Un métier accessible et ouvert
L’un des facteurs clés du succès des centres d’appels à Madagascar est leur ouverture aux débutants. Contrairement à de nombreuses autres industries qui peuvent exiger des diplômes universitaires avancés ou une expérience préalable, les centres d’appels offrent des opportunités d’emploi aux jeunes diplômés dès l’obtention de leur baccalauréat.

Cette accessibilité à l’emploi pour les débutants est cruciale, car de nombreux jeunes diplômés à Madagascar n’ont souvent pas encore d’orientation de carrière claire à ce stade. Beaucoup arrêtent aussi leurs études à ces étapes, faute de moyens, ou simplement pour aider leurs parents à subvenir aux besoins de base au quotidien.

2 – Une rémunération compétitive
Un autre facteur clé du succès des centres d’appels réside dans les rémunérations qu’ils proposent, surtout compte tenu du niveau de qualification requis à l’embauche. Les centres d’appels à Madagascar offrent généralement des salaires attractifs pour les bacheliers.
En fait, il n’est pas rare qu’un bachelier travaillant dans un bon centre d’appels gagne davantage qu’un récent diplômé employé dans des grandes entreprises “plus conventionnelles” comme les banques.
Cette rémunération compétitive est généralement liée à la demande croissante de services de centre d’appels, ce qui crée une compétition pour attirer et retenir les meilleurs talents. Les entreprises reconnaissent la valeur des compétences en communication, en résolution de problèmes et en service à la clientèle que les agents des centres d’appels développent, et elles sont prêtes à les primer en conséquence.
3 – Possibilité d’évolution rapide
En plus des salaires attrayants, les centres d’appels attirent les jeunes grâce à la promesse de progression rapide dans leur carrière, parfois en l’espace de quelques mois seulement.
Il est bien connu que dans la plupart des entreprises traditionnelles, l’obtention d’une promotion peut prendre des années, souvent en commençant au niveau le plus bas. Par exemple, dans une banque, les nouveaux employés sont fréquemment affectés à des postes de départ, tels que caissier, et doivent démontrer leur valeur sur une longue période avant d’envisager une promotion. De même, de nombreux jeunes diplômés embauchés par ces entreprises doivent souvent commencer par un stage avant d’espérer un contrat à durée indéterminée.
En revanche, les centres d’appels se distinguent par leur approche. Bien qu’il puisse y avoir une période d’essai, les employés sont recrutés directement en contrat à durée indéterminée. De plus, en cas d’excellentes performances, une promotion peut leur être proposée en seulement 6 mois.
4 – De nombreuses opportunités d’emploi
À Madagascar, le marché du travail se caractérise par un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande, d’autant plus que de nouveaux diplômés intègrent le marché chaque année.
Le type de formation suivie par ces jeunes contribue également à ce déséquilibre. En effet, la plupart d’entre eux ont suivi des cursus généralistes, ce qui limite les postes auxquels ils peuvent prétendre, les obligeant à se concurrencer les uns les autres. Pour ceux qui ont fait le choix de la spécialisation, il est souvent difficile de trouver des opportunités dans des domaines peu développés à Madagascar.
Cependant, avec leur expansion continue, les centres d’appels organisent régulièrement des recrutements à grande échelle, offrant ainsi une multitude d’opportunités d’emploi pour la jeunesse.
5 – Une option pour les jeunes sans orientation de carrière
On peu aussi noter que de nombreux jeunes diplômés à Madagascar se trouvent dans une situation où ils n’ont pas encore défini clairement leur orientation de carrière. Les centres d’appels offrent une solution à ce problème en fournissant un emploi stable et bien rémunéré aux bacheliers qui sont encore en train de réfléchir à leurs aspirations professionnelles. De plus, travailler dans un centre d’appels peut être une opportunité d’acquérir une expérience professionnelle précieuse, ce qui peut aider les jeunes à affiner leurs objectifs de carrière à long terme. Cela peut également les préparer à envisager d’autres chemins de carrière, y compris la possibilité de devenir des professionnels indépendants, comme des assistants virtuels freelances dont nous parlerons un peu plus bas.
Les limites des centres d’appels
Cependant, il est essentiel de reconnaître que travailler au sein d’un centre d’appels présente certaines limites. La stagnation professionnelle, le stress lié à une pression constante, et l’ennui au fil du temps sont des défis auxquels il faut faire face. Il est impératif de se préparer à évoluer professionnellement.
1 – La stagnation professionnelle
L’une des limites du travail dans un centre d’appels réside dans la possibilité de stagnation professionnelle. Les postes au sein de ces centres sont souvent hiérarchisés, avec des rôles de base d’agents de service client, ce qui signifie que les opportunités de promotion peuvent être limitées. Avec de nombreux agents en compétition les uns avec les autres, il est clair que les opportunités de carrière ne sont pas accessibles à tous, et les places sont très limitées. Après quelques années, certains travailleurs peuvent se sentir coincés dans leur progression professionnelle.
2 – Stress , pression et ennui au fil du temps
Le stress constitue un autre défi fréquent dans les centres d’appels. Les agents sont fréquemment confrontés à des appels difficiles, des clients mécontents et des objectifs de performance stricts. Cette pression constante peut entraîner un niveau élevé de stress professionnel, qui peut avoir un impact sur la santé mentale et émotionnelle des employés à long terme.
L’ennui peut également s’installer au fil du temps dans un centre d’appels. Les tâches répétitives et la prévisibilité des interactions avec les clients peuvent rendre le travail monotone. Les employés peuvent ressentir un manque de stimulation intellectuelle et un désir de relever des défis plus significatifs à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience.
3 – Nécessité d’évoluer
Il est crucial de reconnaître que travailler dans un centre d’appels peut être une étape vers quelque chose de mieux, mais cela nécessite une évolution professionnelle. Les travailleurs doivent rechercher des opportunités de formation et de développement pour acquérir de nouvelles compétences. De nombreuses entreprises de centres d’appels encouragent la formation continue et proposent des programmes de progression de carrière pour aider les employés à accéder à des postes de supervision, de gestion, voire à explorer d’autres domaines professionnels. Les travailleurs devraient également envisager de poursuivre des études supérieures ou de développer des compétences complémentaires pour se préparer à des transitions de carrière futures. L’ennui et la stagnation ne sont pas inévitables si les individus sont proactifs dans leur développement professionnel.
Une étape vers quelque chose de meilleur
Travailler dans un centre d’appels ne doit pas nécessairement être considéré comme un point d’arrêt. Pour de nombreux jeunes diplômés, c’est plutôt une étape vers quelque chose de mieux. Forts de l’expérience acquise en communication, en gestion du temps et en résolution de problèmes, de nombreux employés des centres d’appels envisagent des carrières plus indépendantes.
L’une de ces opportunités est de devenir assistants virtuel freelance.
Cette transition permet aux individus de gérer leur propre entreprise, de travailler avec divers clients, et de développer des compétences entrepreneuriales tout en utilisant les compétences acquises dans les centres d’appels. Les assistants virtuels offrent une gamme de services allant de la gestion des médias sociaux à la planification de rendez-vous, ce qui en fait une option flexible et gratifiante pour de nombreux anciens employés de centres d’appels.
Le métier d’assistant virtuel est actuellement très en vogue. Il attire à la fois des personnes ayant des expériences solides et des curieux qui manquent cruellement d’expérience. Ce qui est certain, c’est que les compétences acquises en tant qu’agent de centre d’appels constituent un excellent bagage pour effectuer la transition vers ces métiers plus épanouissants et rémunérateurs.
Bref,
Le travail au sein des centres d’appels doit être considéré sous un nouveau jour. Ces centres sont véritablement devenus un pilier essentiel de l’économie malgache, générant de précieuses opportunités d’emploi pour la jeunesse. Il est temps de remettre en question les stéréotypes qui leur sont associés et d’accorder la pleine valeur aux compétences acquises dans ces rôles.
Les jeunes peuvent embrasser cette voie en toute confiance, sachant qu’elle peut servir de tremplin vers un avenir professionnel non seulement diversifié, mais aussi extrêmement gratifiant.
Après tout, quel meilleur endroit pour développer des compétences en communication, en gestion du temps et en service à la clientèle que dans un environnement aussi dynamique et exigeant ?
Alors, pourquoi ne pas envisager les centres d’appels comme une pépinière de talents, formant les futurs entrepreneurs et professionnels qui façonneront l’avenir de Madagascar ?