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L’auteur

Hery Ratafita  

Passionné de recrutement et de marketing chez Talent.mg

Biais cognitifs : les apprivoiser pour mieux recruter
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“Il a 45 ans, je doute de son intégration dans notre équipe”, “Issu d’une université prestigieuse, il est assurément compétent”, “Ce candidat semble très jeune, sa maturité pour ce poste est incertaine…”

Ces expressions, familières à bien des égards, reflètent la prévalence insidieuse des biais cognitifs dans le domaine du recrutement. Le processus de sélection des talents est indubitablement un élément clé de la réussite d’une entreprise. Cependant, il est essentiel de reconnaître que les décisions prises au cours de ce processus ne reposent pas toujours sur des évaluations objectives. Au contraire, elles sont fréquemment influencées par ces subtils biais cognitifs qui peuvent parfois conduire à des décisions irrationnelles aux conséquences significatives.

Que les recruteurs en soient conscients ou non, ils sont quotidiennement sous l’influence de ces biais cognitifs. Ces biais peuvent parfois les amener à prendre des décisions rapides, mais ils peuvent également altérer leur jugement.

Dans cet article, nous plongerons au cœur de ces biais, en explorant leurs mécanismes et leurs répercussions. Nous discuterons également des moyens de les atténuer et de favoriser un processus de recrutement équitable et efficace, où les décisions sont fondées sur les compétences et la véritable valeur des candidats plutôt que sur des distorsions mentales involontaires. Face à ces mécanismes de pensée difficiles à contrer, la clé réside non pas dans leur élimination, mais dans leur apprivoisement.

Lets go 

Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?

Les psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky ont introduit le concept de biais cognitif dans les années 1970. Il s’agit de raccourcis mentaux qui influencent nos choix en simplifiant la prise de décision. Ces biais peuvent mener à des erreurs d’interprétation, ce qui peut être problématique dans le recrutement, où la précision est cruciale.

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Biais 1 : L’effet de Halo, ou quand les premières impressions comptent trop

L’effet de halo est un biais qui nous pousse à évaluer une personne en fonction de nos premières impressions ou d’éléments limités. cela signifie que nous avons tendance à généraliser notre première impression sur l’ensemble de la personne, même si cette impression repose sur des éléments non pertinents pour la situation.

Imaginez que vous receviez le CV d’un candidat avec une mise en page exceptionnelle, une éducation prestigieuse, et des recommandations élogieuses. votre première impression est positive en raison de ces éléments visuels et des références flatteuses. vous pourriez alors négliger des lacunes importantes dans ses compétences, simplement parce que sa présentation était impressionnante. l’effet de halo vous pousse à généraliser une impression positive sur l’ensemble du candidat, même si ces éléments n’ont pas de lien direct avec le poste.

Biais 2 : Le biais de Confirmation, ou Comment ne Voir que ce que l’On Veut

Le biais de confirmation est un autre piège cognitif courant. Il consiste à rechercher activement des informations qui confirment nos croyances préexistantes, tout en ignorant ou minimisant celles qui les contredisent. En matière de recrutement, cela peut signifier que vous mettez l’accent sur les qualités que vous souhaitez voir chez un candidat, tout en ignorant ou minimisant ses défauts.

Supposons que vous ayez une préférence personnelle pour les candidats qui ont travaillé dans des entreprises similaires à la vôtre. Lorsque vous examinez les CV, vous cherchez délibérément des informations sur cette expérience, en accordant moins d’attention aux expériences qui ne correspondent pas à vos préférences. Vous pourriez manquer des candidats exceptionels simplement parce qu’ils ont un parcours différent.

Biais 3 : L’Effet de Récence, ou Quand le Dernier Candidat Prend le Dessus

Le biais de récence intervient lorsqu’une décision est influencée de manière disproportionnée par les événements les plus récents plutôt que par des informations plus anciennes. Dans un contexte de recrutement, cela signifie que le dernier candidat que vous avez rencontré aujourd’hui est susceptible de laisser une empreinte plus marquée dans votre mémoire que ceux que vous avez rencontrés plus tôt. Sa performance récente peut éclipser les autres candidats, même si ces derniers possèdent des compétences tout aussi remarquables.

Vous avez mené plusieurs entretiens avec des candidats pour un poste vacant, mais vous accordez une importance disproportionnée au dernier candidat rencontré. Celui-ci était très compétent et enthousiaste. En conséquence, vous êtes enclin à le considérer comme le meilleur candidat, négligeant les précédents qui étaient également qualifiés. Vous laissez les souvenirs les plus récents biaiser votre jugement.

Biais 4 : L’Effet de simple exposition, ou comment la familiarité engendre la préférence

L’effet de simple exposition se produit lorsque vous êtes exposé de manière répétée à une personne ou à une chose. Plus vous êtes en contact avec quelqu’un, plus vous développez un sentiment positif à son égard.

Vous avez rencontré un candidat à plusieurs reprises pour des entretiens préliminaires. À chaque rencontre, vous avez développé un sentiment positif à son égard. Vous avez discuté de ses expériences, de ses compétences, et de ses aspirations. L’effet de simple exposition vous pousse à avoir confiance en ce candidat simplement parce que vous l’avez rencontré à plusieurs reprises, même si d’autres candidats pourraient être plus qualifiés.

Biais 5 : L’Effet Dunning-Kruger, ou la surconfiance des moins qualifiés

L’effet Dunning-Kruger, également connu sous le nom d’effet de surconfiance, désigne la tendance des personnes moins qualifiées à surestimer leurs compétences. Ces individus ne sont pas conscients de leurs propres incompétences, ce qui peut les amener à exagérer leurs capacités.

Supposez que deux candidats se présentent pour un poste, l’un avec des compétences supérieures et l’autre avec des compétences de base. Cependant, le candidat aux compétences de base surestime ses capacités, tandis que le candidat hautement qualifié doute de lui-même et ne met pas en avant ses compétences. Si vous accordez le poste au candidat moins qualifié en raison de son arrogance, vous tombez dans l’effet Dunning-Kruger.

Biais 6 : Le biais de négativité, ou quand le négatif l’emporte

Le biais de négativité nous pousse à accorder plus d’importance aux informations négatives. Les émotions négatives ont tendance à rester ancrées dans notre mémoire, ce qui signifie que nous nous souvenons plus facilement des échecs ou des critiques que des expériences positives.

Vous examinez les références de deux candidats et découvrez qu’un d’entre eux a reçu une critique négative il y a quelques années pour un projet spécifique. Même si ce candidat a depuis accumulé des réussites exceptionnelles, vous vous concentrez sur cette critique négative et hésitez à le sélectionner. Le biais de négativité vous pousse à accorder plus d’importance aux informations négatives qu’aux positives.

Biais 7 : L’Effet de Contraste, ou Quand la Comparaison Fausse les Jugements

L’effet de contraste est un biais qui se manifeste lorsque vous comparez plusieurs candidats pour les départager. Cette tendance vous pousse à sélectionner la personne qui semble correspondre le mieux au poste parmi l’ensemble des candidats que vous avez rencontrés, même si ses compétences et connaissances ne correspondent pas à vos attentes initiales.

Vous avez déjà rencontré plusieurs candidats pour un poste, et aucun d’entre eux n’a vraiment impressionné. Puis, un candidat moyen se présente. Cependant, en comparaison avec les précédents, ce candidat semble soudainement meilleur. Vous pourriez être tenté de le sélectionner simplement parce qu’il se démarque par rapport à la médiocrité précédente, même s’il ne correspond pas vraiment à vos critères initiaux.

Comment éviter les biais cognitifs dans le recrutement ?

Reconnaître les biais cognitifs est essentiel, mais il est tout aussi important de savoir comment les éviter ou les atténuer pour un processus de recrutement plus équitable et efficace. Voici quelques stratégies concrètes pour y parvenir :

1. Sensibilisation : La première étape pour atténuer l’impact des biais cognitifs consiste à en prendre conscience. Formez votre équipe de recrutement à reconnaître ces biais et à les éviter. Une équipe bien informée est mieux armée pour prendre des décisions objectives.

2. Évaluation structurée : Mettez en place un processus d’évaluation structurée, avec des critères clairs d’évaluation des candidats. Cela permet de réduire la subjectivité des décisions. Créez des listes de compétences et d’expériences nécessaires pour le poste et évaluez les candidats en fonction de ces critères.

3. Diversité des Intervenants : Impliquez plusieurs personnes dans le processus de recrutement. Divers points de vue peuvent contribuer à atténuer les biais. Les membres de l’équipe peuvent se compléter mutuellement en évaluant les candidats et en minimisant ainsi les distorsions individuelles.

4. Retours à froid : Lors de la prise de décision, essayez d’évaluer les candidats à froid, en vous éloignant des impressions initiales. Revenez aux critères de sélection objectifs que vous avez établis. Prenez le temps de réfléchir avant de prendre une décision définitive.

5. Formation continue : Organisez des formations régulières sur la gestion des biais cognitifs pour maintenir une équipe de recrutement bien informée. La sensibilisation constante est la clé pour éviter que les biais ne reprennent le dessus.

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En fin de compte, l’objectif ultime est de favoriser un processus de recrutement plus équitable, où les décisions sont basées sur les compétences réelles des candidats plutôt que sur des impressions subjectives. Les biais cognitifs sont des adversaires subtils mais omniprésents dans le monde du recrutement. Bien que nous ne puissions pas les éliminer complètement, nous pouvons les apprivoiser.

L’apprivoisement des biais cognitifs est une compétence essentielle pour les professionnels du recrutement. Cela permettra de mettre en avant les meilleurs candidats pour votre entreprise, indépendamment de toute distorsion mentale involontaire. Le talent mérite d’être évalué sur des compétences et des qualifications tangibles, et ce sont ces critères objectifs qui devraient guider les décisions de recrutement. En adoptant des pratiques de recrutement conscientes des biais, vous contribuez à l’essor de votre entreprise et à l’épanouissement de ses collaborateurs.

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